Protéines, santé et végétarisme

Il existe un mythe tenace(et non fondé) selon lequel les végétarien(ne)s auraient un fort risque de souffrir d'un manque de protéines en raison du choix d'aliments que leur régime impose (aspects quantitatifs) ... ou bien encore que les protéines végétales entraîneraient obligatoirement une carence en certains acides aminés pour ceux qui les consomment à l'exclusion des protéines animales (aspects qualitatifs) ...

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C'est avec un immense plaisir que je vous présente l'article invité de cette semaine ! 
Philippe, notre gourmet végétarien, nous y explique avec clarté et précision ce que sont les protéines, quel besoin nous en avons et comment nous les procurer, quel que soit le type d'alimentation que nous avons.

Philippe est végétarien depuis des années (il nous l'explique lui-même) et les recettes de son blogue (toutes excellentes et que je vous recommande chaleureusement !) le sont aussi, bien sûr ! Il est régulièrement confronté à la question d'éventuelles carences en protéines dont pourraient souffrir les végétariens et y a depuis longtemps répondu, lui qui se porte mieux que jamais. Il nous donne l'heure juste en matière de besoins réels et nous informe sur un sujet si injustement, mais si bien récupéré par l'industrie agro-alimentaire et le commerce de la viande. 

Ouvrez grand vos yeux et stimulez votre mémoire : cet article est un cadeau que nous fait un spécialiste du végétarisme intelligent, averti et de qualité...



Chacun(e) sait que les protéines sont indispensables à la construction et au bon fonctionnement de notre organisme, cependant un grand nombre d'idées reçues à leur sujet, souvent erronées, n'aident pas toujours à l'adoption des comportements alimentaires les plus favorables à la Santé.

A l'invitation de mon amie Bernadette Gilbert, auteure du très éclectique et vivant blog sur lequel j'ai le plaisir de m'exprimer aujourd'hui, “Cuisine Santé Saveur Satiété” (cuisine-en-sante.com), je voudrais essayer d'apporter quelques éclaircissements sur plusieurs aspects importants concernant les protéines.

C'est délibérément que je ne rentrerai pas dans des détails trop scientifiques mais que je m'en tiendrai plutôt aux grandes lignes des conclusions actuellement validées par la plupart des Organismes officiels faisant autorité dans les domaines de la Nutrition ou de la Diététique.

J'attire votre attention sur le fait que je ne prétends pas vous dispenser de consulter un médecin ou un(e) diététicien(ne) si vous avez un doute ou un problème quelconque relatif à votre santé ou votre alimentation ...

Ayant personnellement fait le choix d'être végétarien depuis plusieurs années (je suis l'auteur du blog Le Gourmet Végétarien gourmet-vegetarien.com), étant très sportif, en excellente santé, c'est avec le sourire que j'entends souvent dire un peu tout et n'importe quoi au sujet de la meilleure manière de satisfaire nos besoins en protéines, au sujet d'éventuelles carences des végétariens en l'un ou l'autre des nutriments essentiels, au sujet d'une supposée qualité inférieure des protéines végétales par rapport aux protéines animales, de la nécessité de complémentation, etc., etc..

Le sourire auquel je fais allusion n'est pas un sourire de “suffisance”, c'est que tout simplement les idées reçues ont la vie dure alors que le manque de fondement de beaucoup d'entre elles a déjà été prouvé depuis longtemps ...

Définition et rôle des protéines

Schématiquement, on peut dire que les protéines sont des molécules complexes composées de chaînes d'acides aminés, lesquels sont eux mêmes des composés contenant du Carbone, de l'Hydrogène, de l'Oxygène, de l'Azote et parfois du Soufre.

Selon l'ordre des acides aminés et leurs interactions entre eux, les protéines prennent des conformations particulières qui sont essentielles pour leurs fonctionnalités (hélices, feuillets ...). Chaque espèce vivante possède des substances protéiques spécifiques.

Au cours de la digestion, les acides aminés constituant les protéines sont dissociés. Le corps les utilise alors en les recombinant pour former de nouvelles protéines. Parmi la vingtaine d'acides aminés généralement présents dans les protéines animales et végétales, il en est huit que le corps humain ne peut fabriquer et qui par conséquent doivent lui être apportés par l'alimentation : ce sont les acides aminés essentiels (le tryptophane, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, la valine, la leucine et l'isoleucine, liste à laquelle on peut rajouter l'histidine indispensable au nourrisson).

Les protéines jouent un rôle fondamental dans de très nombreux processus biologiques :

elles ont un rôle structurel dans la formation de la peau, des os, des cheveux (ex: actine, kératine);
la contraction musculaire, la transmission de l'influx nerveux, le système immunitaire dépendent des protéines;
les enzymes qui sont vitales pour le métabolisme sont des protéines;
de nombreuses hormones sont des protéines (ex: l'insuline);
les protéines dans certains cas particuliers peuvent aussi être des sources d'énergie ...

Apports Conseillés en Protéines

Selon l'ANSES (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), la contribution des protéines à l'apport énergétique total devrait être de 11 à 15 % ... comment le niveau souhaitable de cet apport total est-il établi ?

Les apports conseillés en énergie sont calculés à partir des dépenses énergétiques de base, c'est à dire qu'ils tiennent compte:

du métabolisme de base (l'énergie utilisée au repos pour le fonctionnement des organes comme le cerveau, le coeur, le tube digestif, etc., c'est la composante principale, 60 à 70 %, de la dépense énergétique);
de l'activité physique (énergie utilisée au cours des déplacements, activités sportives, ménagères, professionnelles, etc.);
la thermogénèse alimentaire (énergie utilisée pour assurer la digestion, l'absorption intestinale, le stockage des aliments, 10% de la dépense énergétique totale)
auxquelles s'ajoutent des dépenses liées à des situations physiologiques particulières (croissance, grossesse, allaitement, etc.).

Chez l'adulte âgé de 20 à 40 ans dans le cadre des activités habituelles, pour la majorité de la population, les apports journaliers conseillés en énergie sont de 2200 kcal pour les femmes et de 2700 kcal pour les hommes.

Sachant que les apports conseillés correspondent (par convention selon les normes mentionnées par l'Anses en France) à 130% du besoin moyen, on peut dire que les besoins moyens en énergie sont d'environ 1700 kcal pour les femmes (soit 2200/1,3) et environ 2100 kcal pour les hommes.

Si l'on en revient aux protéines, cela veut dire que l'apport quotidien moyen en protéines (pour la catégorie de population ci-dessus) devrait représenter:

entre 11 et 15% de 1700 kcal, soit entre 187 et 255 Kcal pour les femmes ... ou encore, en sachant que 1 g de protéines fournit 4 kcal, environ 47 à 64 g de protéines par jour pour les femmes;
entre 11 et 15% de 2100 kcal, soit entre 231 et 315 Kcal pour les hommes c'est à dire environ 58 à 79 g de protéines par jour pour les hommes.
Ces chiffres corroborent ce que de manière générale on s'accorde actuellement à recommander (voir par exemple la très sérieuse Harvard School of Public Health) soit l'ingestion d'environ 0,8 grammes de protéines par kilo de poids et par jour : selon ces critères et dans des conditions représentatives de la moyenne, une personne de 60 kilos devrait manger 48 g de protéines par jour, et une de 80 kilos devrait en manger 64 g.

Ainsi, dans la mesure où ces niveaux quantitatifs sont respectés, une personne non-végétarienne pourrait en principe “être tranquille” (si l'on s'en tient au plan strictement nutritionnel), quant à la satisfaction de ses besoins en protéines (les protéines de la viande, des poissons et des oeufs contiennent généralement la totalité des acides aminés essentiels) ... vous lisez bien : “pourrait en principe”, car il y a un “mais”(voir dans la seconde partie les observations sur le cortège d'inconvénients qui accompagne généralement ces protéines animales ...).

A suivre : Qu'en est-il des végétariens ? Philippe lève le voile sur un mythe à la peau dure... 

Rendez-vous dans la seconde partie de l'article.

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par Philippe Schell pour Cuisine "Santé-Saveur-Satiété" (07/05/2012)

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